John K. Galbraith, inusable critique de la pensée néoclassique et penseur de la « filière inversée » (2024)

Qui suis-je ?

John Kenneth Galbraith naît le 15 octobre 1908, dans une famille de fermiers canadiens d’origine écossaise, à Iona Station, en Ontario. En 1931, il obtient une licence en science agricole, et une bourse d’études d’économie agricole lui permet de partir étudier à l’Université de Berkeley, où il soutiendra sa thèse trois années plus tard.

Il mène ensuite une carrière universitaire prestigieuse. Il enseigne d’abord à Princeton, puis passe une année à Cambridge en 1937, et se familiarise plus profondément avec la pensée de John Maynard Keynes, qu’il considère être l’un des auteurs l’ayant le plus influencé, avec Karl Marx et Thorstein Veblen. En 1949, il est nommé professeur à Harvard.

Parallèlement, il occupe divers postes au sein de différentes agences gouvernementales américaines, devient ambassadeur des Etats-Unis en Inde, et acquiert un rôle de conseiller économique auprès de plusieurs candidats et présidents démocrates.

A son aura académique et ses fonctions politiques s’ajoute une importante notoriété auprès du grand public. Il publie plusieurs ouvrages d’économie accessibles aux non-spécialistes, et s’illustre également dans d’autres domaines: sociologie, analyse politique, autobiographie, etc. En 1977, un programme TV lui est même dédié, «The age of uncertainty», composé de 15 épisodes d’une heure chacun, diffusés notamment sur la BBC.

Ma pensée

Galbraith se fait remarquer en s’opposant à l’orthodoxie économique, considérant que celle-ci décrit un monde fantasmé, et ne permet pas d’appréhender le fonctionnement réel de l’économie. Selon le titre de son dernier ouvrage, publié à l’âge de 95 ans, la majorité des économistes répandraient ainsi d’«innocentsmensonges » (Innocent frauds).

Certains de ses pairs lui rendent bien cette hostilité. Après la diffusion de « The age of uncertainty», Milton Friedman s’empresse de demander à avoir une émission similaire, et publie un essai de 70 pages dans lequel, fort de son récent Prix «Nobel», il défend que les idées de Galbraith n’ont aucune assise scientifique et ne doivent leur succès qu’à leur facilité à être comprises de tous, alors que les siennes sont autrement plus sophistiquées et avérées.

L’un des griefs que Galbraith soulève concerne le langage employé par les économistes. Entre autres, parler d’ «économie de marché» plutôt que de capitalisme permet selon lui de faire oublier le pouvoir dont jouissent les capitalistes, et le mot «travail» serait impropre à désigner à la fois une activité peu rémunératrice et subie pour certains, et épanouissante et pourvoyeuse d’une situation aisée pour d’autres.

Il moque également une orthodoxie microéconomique confinant à son sens à «la caricature invraisemblable» lorsqu’elle soutient que les entreprises procèdent à une égalisation du coût salarial marginal et du revenu marginal. Un tel calcul lui paraît impossible dans le capitalisme moderne, du fait que les ouvriers et employés sont hautement qualifiés et prennent place dans des hiérarchies et organisations complexes, et ne peuvent donc être embauchés, licenciés, et remplacés aisément.

L’une des grandes contre-vérités qu’il s’est employé à déconstruire dans plusieurs travaux est la théorie selon laquelle le consommateur serait souverain et indépendant, et pourrait ainsi choisir librement entre les produits proposés par différentes entreprises en concurrence pour répondre à ses préférences exogènes (formées indépendamment de l’état du marché).

Galbraith estime ici que «la filière est inversée». Selon lui, ce sont les grandes entreprises qui façonnent et orientent les préférences des consommateurs, en mobilisant des ressources financières considérables, ainsi que l’ingéniosité de nombreux artistes et spécialistes en marketing, dans des campagnes publicitaires de grande ampleur.

Plus généralement, Galbraith pense que le fonctionnement et les interactions des grandes entreprises sont très mal compris. Il analyse qu’un «divorce est survenu entre la propriété du capital et la direction effective de l’entreprise», impliquant que la direction des unités productives n’est plus assurée par les actionnaires, ni même par le PDG, mais par une bureaucratie d’entreprise qu’il nomme «technostructure».

Celle-ci est composée de cadres supérieurs, d’experts, de techniciens, qui entretiennent des interactions plus ou moins formelles et hiérarchisées, et orientent de manière collégiale les décisions de l’entreprise. Un tissu de relations complexes – reposant notamment sur des transactions régulières et des mouvements de postes – relie ensuite les technostructures des différentes grandes entreprises et de l’Etat, créant à l’échelle nationale une vaste élite dirigeant la majeure partie de l’économie, bien souvent sans coordination ou intention consciente.

Au sein des grandes entreprises, la technostructure n’a pas nécessairement intérêt à maximiser le profit comme le soutient la théorie économique, mais cherche avant tout à étendre son pouvoir, et ce, principalement en accroissant la taille de l’entreprise. Plus grande sera l’entreprise, plus elle jouira du pouvoir d’imposer ses prix, et d’une influence sur l’État et la collectivité.

L’accroissem*nt de la taille des entreprises leur permet ainsi de se soustraire au jeu du marché, et d’organiser à la place une planification de la production. Lorsqu’un constructeur automobile important engage par exemple la production d’un nouveau modèle, il s’assure de disposer à long terme des équipements et matières premières nécessaires, ainsi que de trouver des débouchés. Il sécurise alors pour cela des accords avec les différentes parties en aval et en amont de son activité, dont l’État.

Entre autres effets de l’influence de la technostructure, Galbraith pointe l’adoption globale du Produit Intérieur Brut comme indicateur de bonne santé d’une économie, permettant de mesurer le niveau de développement d’un pays seulement en fonction des quantités de biens et services qu’il produit, et non à l’aune de ses arts, ou de son niveau d’éducation et de santé.

Galbraith ne cherche pas pour autant à supprimer les grandes entreprises, estimant que leur taille est une nécessité technologique moderne. Il souhaite en revanche leur opposer des «pouvoirs compensateurs», au premier rang desquels se tient l’Etat. L’ancien conseiller raconte ainsi comment l’administration Kennedy modérait elle-même les revendications des entreprises, et avait fixé discrétionnairement la hausse des salaires sur les gains de productivité.

Il propose également de procéder à des nationalisations dans certains secteurs comme les transports, la santé, et l’industrie d’armement. Confronté au «complexe militaro-industriel» dans le cadre de ses fonctions, Galbraith a fréquemment dénoncé l’influence – si ce n’est le contrôle – que celui-ci exerçait sur la politique étrangère américaine.

1908: Naissance de John Kenneth Galbraith le 15 octobre à Iona Station, Ontario, Canada, dans une famille d'origine écossaise.

1934 : Il reçoit son doctorat en économie agricole de l'Université de Californie à Berkeley.

1937 : Galbraith devient citoyen des États-Unis. Cette même année, il bénéficie d'une bourse d'un an à l'Université de Cambridge, en Angleterre, où il est influencé par John Maynard Keynes.

1952 : Publication de son premier grand ouvrage, "American Capitalism: The Concept of Countervailing Power", dans lequel ilcritique l'idée selon laquelle les marchés, laissés à eux-mêmes, fourniront des solutions socialement optimales.

1958 : Publication de L'Ère de l'opulence,où Galbraith analyse la prospérité économique des années 1950, reflètant selon lui la concrétisation durêve américainen faveur d'une classe moyenne étendue et où il développe la notion de « filière inversée ».

1961–1963 : Galbraith sert comme ambassadeur des États-Unis en Inde sous l'administration Kennedy. Il est particulièrement proche du président démocrate.

2000 : Galbraith reçoit la Médaille présidentielle de la Liberté.

2006 : Décès à l'âge de 97 ans, à Cambridge,dans l'État duMassachusetts, auxÉtats-Unis.

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